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Drude2.2 MODELE BOULES DE BILLARD 2.2.1 Introduction C'est le modèle le plus ancien et le plus élémentaire. Les bases en furent jetées par Drude en 1902, peu après la découverte de l'électron par Thomson (1897). Insuffisant pour concevoir et a fortiori développer les composants "état solide" qui forment aujourd'hui l'essentiel des éléments actifs utilisés en électronique, le modèle Boules de billard présente néanmoins un intérêt considérable :
Son nom l'indique, ce modèle assimile les électrons à de minuscules boules de billard. Ces particules sont donc des objets classiques, simplement régis par la loi de Newton et les lois de Maxwell. Cette conception corpusculaire de l'électron n'est d'ailleurs pas totalement opposée aux résultats de la mécanique quantique, dans la quelle un paquet d'ondes, zone étroite où la fonction 2 dW présente un maximum accusé, peut toujours être interprété comme une particule, avec sa masse et sa vitesse. Dans un millimètre cube de cuivre, il y a environ 1020 électrons, il n'est donc pas question de les traiter individuellement, ce oui serait d'ailleurs sans intérêt. C'est le comportement moyen des électrons qu'il convient d'étudier. Deux types d'interactions conditionnent ce comportement, ce sont :
2.2.2 Interactions électron-matière A quelques exceptions près, toutes les matières conductrices ont une structure cristalline. Admettons qu'en moyenne chaque atome libère un électron de conduction. Ces électrons se trouvent plongés dans le potentiel créé par les cations formant le réseau. Si le cristal ne présentait aucun défaut, et si les cations étaient totalement immobiles, les électrons, supposés ne pas interagir entre eux, se déplaceraient dans un potentiel parfaitement périodique, et conserveraient chacun une énergie rigoureusement constante. Leur comportement serait comparable à celui de billes pesantes, se déplaçant sans frottements sur une surface, en moyenne horizontale, mais présentant un réseau de sommets. En réalité, un réseau cristallin n'est jamais parfait; les principaux types de défauts pouvant se présenter ont été décrits à la section 1.5. Les électrons de conduction interagissent avec ces défauts. Il en résulte que le mouvement de ces électrons est sans cesse perturbé par des processus aléatoires de natures diverses désignés, dans le modèle Boules de billard, par le terme générique de choc. A température ambiante, et dans la plupart des métaux, la résistance électrique dépend principalement de l'interaction des électrons de conduction avec les phonons. A basse température, quelques degrés Kelvin, l'interaction avec les autres types de défauts cristallins devient prépondérante. Les échanges d'énergie se produisant au cours des chocs aboutissent à la mise en équilibre thermodynamique des électrons de conduction avec le réseau. Par exemple, l'augmentation d'énergie cinétique des électrons de conduction, due à un champ électrique appliqué, provoque une augmentation de l'énergie du réseau correspondant à une élévation de température. 2.2.3 Temps de collision. Définitions La trajectoire d'un électron dans la matière a schématiquement l'allure suivante : Fig. 2.1 Chemin possible d'un électron entre les points A et B. Chaque changement de direction correspond à un choc. Suivons dans sa course un électron et prenons comme origine du temps l'instant où, subissant un choc, il repart dans une nouvelle direction. Une question importante est de savoir quand il subira un nouveau choc. La valeur de la résistance électrique en dépend directement. On appelle temps de collision l'intervalle de temps qui sépare deux chocs
consécutifs subis par le même électron. Le temps de collision est une variable aléatoire. Tous paramètres physiques restant constants, cette variable aléatoire est stationnaire, sa valeur moyenne porte le nom de temps de collision moyen r. 2.2.4 Calcul du temps de collision Le caractère aléatoire des mouvements électroniques suggère d'en baser l'étude sur les hypothèses suivantes :
La première hypothèse se retrouve, par exemple, dans l'étude de la désintégration radioactive. Les deux situations sont comparables :
Dans les deux cas la probabilité d'observer le phénomène attendu ne dépendras du temps écoulé depuis l'origine mais seulement de la durée de l'observation. Une théorie plus raffinée montrerait que les deux dernières hypothèses sont acceptables. Elles traduisent en particulier le fait que l'atome cible est lourd par rapport à l'électron, et qu'il possède une énergie cinétique distribuée aléatoirement au moment du choc. Le temps de collision moyen pourrait être déterminé par l'expérience imaginaire suivante : on observe une population de no électrons dès un instant t = 0, et l'on note pour chaque électron No i le temps ti après lequel il subit son premier choc. Alors, pour nosuffisamment grand : (2.1) En suivant le schéma de cette expérience, la première hypothèse ci-dessus permet de calculer théoriquement τ, si la valeur de α est connue. Soit n(t) l'effectif, au temps t, des électrons n'ayant pas encore subi un premier choc. La variation dn de n(t) pendant dt est donnée par : dn = -n(t)α dt (2.2) La grandeur positive - dn représente le nombre d'électrons qui ont subi leur premier choc entre t et t + dt Compte tenu de la condition initiale de l'expérience, l'intégration de (2.2) donne immédiatement n(t) = noexp (- α t ) (2.3) De (2.3) on déduit la probabilité pour un électron de ne pas subir de choc jusqu'à l'instant t: (2.4) La probabilité pour un électron de subir son premier choc entre t et t + dt étant donnée (produit de probabilités indépendantes) par (2.5) on obtient τ par la moyenne pondérée du temps de collision : (2.6) 2.2.5 Vitesse des électrons Définitions La vitesse des électrons peut être dissociée en deux composantes v = vth + vd (2.7) On appelle vitesse thermique d'un électron vth, la composante de sa vitesse due au transfert d'énergie cinétique se produisant au cours des chocs. Seul le dernier choc subi détermine vth en accord avec la 3ème hypothèse du paragraphe 2.2.4. La vitesse thermique est une variable aléatoire, gardant une valeur constante entre les chocs. La moyenne vth du module de vth porte le nom de vitesse thermique moyenne des électrons. On appelle vitesse de dérive d'un électron vd la composante de sa vitesse due à l'action d'un champ électromagnétique appliqué. Cette action se manifeste entre les chocs uniquement. La valeur que prend vd, à la veille d'un choc, est une variable aléatoire. Un ensemble d'électrons possède une vitesse moyenne de dérive notée 2.2.6 Estimation de la vitesse thermique On admet, dans le cadre du modèle Boules de billard, que les électrons se comportent comme les atomes d'un gaz parfait. C'est une hypothèse grossière mais suffisante pour l'instant. (La distribution énergétique des électrons est étudiée plus rigoureusement aux paragraphes 2.4.5 et 2.6.2). Ils suivent dans ces conditions la distribution statistique de Maxwell (sect. 7.2). En particulier leur vitesse moyenne, qui est égale à la vitesse thermique moyenne définie au paragraphe précédent, est donnée par (2.8) où T représente la température absolue et mn la masse de l'électron. La démonstration de (2.8) fait l'objet de l'exercice 2.9.1. 2.2.7 Calcul de la vitesse moyenne de dérive On considère le cas où seul un champ électrique est appliqué. Celui-ci est supposé uniforme, stationnaire, et dirigé selon un axe x. En prenant pour origine du temps l'instant qui suit immédiatement un choc, l'équation de la trajectoire d'un électron s'écrit : r(x,y,z) = -a t2 +v0 t + r0 (2.9) Cette équation ne reste valable que jusqu'au choc suivant. Le vecteur r0donne la position initiale de l'électron. On choisira l'origine du référentiel de façon à annuler r0La vitesse initiale v0 de l'électron est égale à la vitesse thermique vth. Les deuxième et troisième hypothèses du paragraphe 2.2.4 impliquent donc que v0 est indépendante du champ E. L'accélération a de l'électron, dont la valeur est égale à e E/mn, est dirigée selon 1' axe x. En conséquence, un électron No i caractérisé par un temps de collision défini ti se déplace, entre deux chocs, dans le sens de E et sous l'action de E uniquement, d'une quantité (2.10) Pour un électron appartenant à un ensemble d'électrons caractérisés par un temps de collision t (variable aléatoire), ce déplacement vaut en moyenne (2.11) Un raisonnement analogue à celui qui a permis de calculer τ par l'équation (2.6) permet d'écrire (2.12) Finalement, la vitesse moyenne de dérive des électrons s'obtient par la relation (2.13) 2.2.8 Définition de la mobilité On appelle mobilité d'un porteur de charge (n pour un électron) le rapport de sa vitesse moyenne de dérive à l'intensité du champ électrique qui la produit. C'est une grandeur définie positive. Sa valeur pour un électron est donnée par : (2.14) Plus le temps moyen de collision est grand, plus le porteur de charge prend de la vitesse dans un champ E donné. Il est donc logique que la mobilité soit proportionnelle à τ. 2.2.9 Autre formulation pAu lieu de considérer le courant électrique comme un déplacement de charges ponctuelles, on peut l'assimiler à l'écoulement d'un fluide chargé. Le modèle hydrodynamique basé sur cette conception conduit aux mêmes conclusions que le modèle Boules de billard, à condition d'admettre dans les deux cas la validité des mêmes lois fondamentales de mécanique et d'électricité. Les différences de formulation peuvent par contre donner à chaque modèle un champ d'application privilégié. Dans le modèle hydrodynamique, l'équation dynamique relative à l'élément de fluide correspondant à un électron s'écrit : (2.15) où v est la vitesse absolue du fluide et un coefficient mesurant sa viscosité. En régime permanent (ce régime s'établit en un temps de l'ordre de τ soit environ 10-14 secondes dans un conducteur métallique), la force due au champ est équilibrée par la force de viscosité, d'où (2.16) Cette vitesse joue le rôle de la vitesse de dérive dans le modèle Boules de billard. La comparaison avec l'équation (2.13) montre que l'équivalence des deux modèles s'écrit simplement : (2.17) Un faible temps de collision correspond à une viscosité élevée.
2.3 INTERPRÉTATION DE QUELQUES LOIS ET PHÉNOMÈNES AU MOYEN DU MODÈLE BOULES DE BILLARD 2.3.1 Loi d'Ohm et conductivité La densité de courant J est définie comme la charge électrique nette traversant une section unité placée perpendiculairement au déplacement des électrons, pendant l'unité de temps (fig. 2.2).
Fig. 2.2 Les électrons qui traverseront S dans la seconde à venir sont contenus dans un prisme de hauteur vd 1s. On a donc :J = - n e vd (2.18) Où n est le nombre volumique des électrons. Compte tenu de (2.13), cette expression s'écrit : (2.19) La conductivité se déduit immédiatement de la comparaison de (2.19) avec la loi d'Ohm sous la forme J = E. Il vient : (2.20) On remarque que la conductivité contient le produit du nombre volumique des électrons par leur mobilité. Il faut par conséquent que l'une au moins de ces grandeurs ait une valeur élevée pour qu'un matériau présente une haute conductivité. La mobilité est plus grande dans les semiconducteurs que dans les métaux. Cette caractéristique est cependant complètement masquée par le rapport des nombres volumiques des électrons : n est 106à 108 fois plus faible dans les semiconducteurs que dans les métaux, ce qui explique la conductivité supérieure de ces derniers. 2.3.2 Linéarité de la loi d'Ohm
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